Monsieur Emile Touffaire, Maire de Condé sur Seulles, nous présente la libération de notre localité.
Le
Débarquement en Normandie fait l’objet de nombreuses commémorations et
cérémonies. Les grandes batailles sont relatées par des historiens de talent.
A
Condé, notre commune n’a pas subi de dévastations importantes. Pour autant, la
guerre y est passée. Et, afin de répondre aux interrogations des jeunes et
moins jeunes, ces quelques anecdotes, sans caractère exhaustif, recueillies
près des témoins de ces évènements, des vétérans anglais et des civils,
certains aujourd’hui disparus, vous apporteront quelques précisions.
Après
quatre années d’occupation par les troupes allemandes, le débarquement a eu
lieu le 06 juin 1944.
Condé
sur Seulles n’est éloigné que de quelques kilomètres de la mer.
Dans
la nuit du 5 au 6 juin, aux premières heures de l’aube, un grondement
incessant, et s’amplifiant, intrigue les habitants, puis des informations
diverses se précisent : est-ce le Débarquement ?
Attendu,
espéré depuis si longtemps, sans certitude quant aux lieux et date. Ces
renseignements n’étaient connus que de quelques initiés, c’est-à-dire les
membres des réseaux de résistance.
Nous
entendons les mouvements des avions en direction de la mer, les explosions
diverses, l’enfer en quelque sorte !...
Vers
4 heures du matin, des camions militaires allemands déménagent divers matériels
entreposés depuis quelques mois, notamment des mines, des grenades et quantités
d’autres objets. La retraite est commencée !...
|
Photo prise par un avion anglais le 12 juin 1944 |
Puis,
le jour venu, c’est un mouvement ininterrompu de véhicules militaires allemands
fuyant l’enfer, ce sont des camions et des semi chenillés, tous recouverts de
branchages afin d’échapper aux regards des pilotes de chasseurs bombardiers
américains et anglais.
La nuit du 6 au 7 se passera dans un calme relatif et,
le matin du 7, vers 8h30, après avoir investi le bourg de Condé, n’ayant
rencontré qu’une résistance dans le chemin du Rocher et au Pont de Flaye, soudain,
silencieusement, un groupe de soldats arrive. Pas d’erreur possible ! Ce sont
les Anglais !
Ils
sont sur le qui-vive, le doigt sur la détente de leurs pistolets mitrailleurs,
la dague au ceinturon, les grenades accrochées aux poches de leur blouson. Ils
demandent une échelle, l’un des soldats monte dans un arbre pour observer aux
alentours, puis vérifient tous les appartements, et reprennent leur marche silencieuse.
Vers
9h30, une explosion puissante ébranle l’air ! Au hameau « le Quesnot », nous
sommes à environ 1 km du lieu du drame (Le Douet de Chouain, commune de Condé
sur Seulles, à l’intersection de la D6 et de la D33).
Un chasseur bombardier «
Thunderbolt » s’est détaché de son escadrille et a bombardé plusieurs véhicules
stationnés sous les arbres qui bordent la D33. Le pilote, dans sa méprise,
vient de détruire les véhicules anglais du « Royal Engineers » qui avaient pour mission la destruction des ponts
sur l’Orne pour empêcher une contre-offensive allemande. Les équipages de ce
détachement de véhicules semi chenillés étaient les invités de M. et Mme
VAUSSY, tenanciers d’un café épicerie tout comme M. et Mme
LAURENT, en face. M. VAUSSY, membre d’un réseau de résistance, était informé de l’imminence de l’évènement à
venir et avait promis cette réception aux
libérateurs attendus. |
Le Douet de Chouain aprés le bombardement. |
D’après
les journaux de marche et les souvenirs des vétérans anglais, le convoi aurait dû se trouver au bourg de Condé, à
l’intersection de la D33 et de la D94. Or,
son parcours a été trop rapide, n’ayant rencontré que peu de résistance, (hormis au Chemin Rocher et au Pont de
Flaye) et, de plus, le camouflage des véhicules
recouverts de branchages a trompé le pilote de l’avion.
Quelques
instants avant le bombardement, M. John COLLINGE (INNS OF
COURT REGIMENT), à bord de son véhicule Daimler (auto-blindée), vient de recevoir un message radio lui enjoignant
de se rendre en éclaireur sur la Db direction
Tilly sur Seulles. Il a le temps de parcourir quelques centaines de mètres étant ainsi à l’abri des explosions.
Dans un autre véhicule « Daimler » qui est stationné
dans le bourg D6 D33, M. PECKETT, est atteint d’un jet de flammes et, de ce jour, devient aveugle. Il faut
noter que, pendant ces évènements, son fils est né
en Angleterre. Ce dernier accompagna son père lors de la cérémonie qui marqua la pose de la stèle en 1994 à
la mémoire des 6 soldats et des 5 civils dont un
Enfant de 8 ans, François PACARY) :
L’avancée des troupes de libération est stoppée, un repli
est nécessaire et la situation est précaire. Dès le lever du jour, un
brouillard intense envahit la région. Il s’agit d’une ruse stratégique de l’armée anglaise destinée à favoriser l’emplacement
des canons antichar. Pour ce faire, des engins fumigènes sont utilisés. Aussi,
en prévision d’une probable contre-attaque allemande, les éléments anglais
posent des mines sur la route D33. Une est placée près de la ferme Platz
(actuellement M. Mme Jeanne) et, de plus, ils installent un canon antichar à
l’entrée du cimetière, pointé vers le bourg.
8 juin après-midi
En
début d’après-midi, un char allemand « panther » venant des lignes ennemies se
dirige vers Condé en éclaireur, longeant la D33. Arrivé aux premières maisons
du village, hameau La Londe, il fait un à-gauche en direction de la route
communale vers le hameau Le Quesnot, s’abritant le long des haies, échappant
ainsi à la vigilance des avions. Il essuie les tirs des mortiers anglais qui
l’atteignent mais n’ont aucun effet sur son blindage. Arrivé sur la petite
route communale, près de la propriété Alexandre (actuellement M. Mme Le
Gallais), il est aussitôt pris sous le feu des canons antichars situés en
bordure de la D94 (près du Clos de l’Autel). Il n’est pas touché, fait aussitôt
demi-tour et repart en direction du calvaire. Les artilleurs anglais continuent
leurs tirs sans visibilité, mais, suite à une erreur de pointage, un obus
atteint le grenier d’une maison (actuellement M. Mme Busato). Entre temps, le «
Panther » a traversé une haie puis s’est immobilisé : 2 hommes d’équipage
jettent quelques douilles et démontent les plaques protège- grenades posées de
chaque côté (les Schurzen) à cause, sans doute, d’une surchauffe du moteur.
Puis il repart, traverse la D33, longe le calvaire, emprunte la route vers le
bourg de Condé et arrivé à quelques mètres de la première mine, nouvelle halte,
puis demi-tour. Dans sa manœuvre, il détériore le mur d’une maison
(actuellement M. Mme J.F. Bossalini) et reprend la direction D6 d’où il est
venu. Personne ne saura si le chef de char a eu une prémonition ou si,
seulement il a été méfiant ou perspicace...
Quelques
minutes après le départ du « Panther », deux autres blindés venant de Juaye
Mondaye se déplacent vers Bayeux. Il s’agit de PZ4. Ces chars ont un blindage
plus léger et sont donc plus vulnérables. Ils gravissent lentement la route du
Douet de Chouain. Arrivés en haut de côte, ils sont la cible des canons
antichar anglais. Le premier blindé s’embrase immédiatement et explose, le
deuxième est à son tour touché. Les deux seuls civils témoins, M. Auguste
Fierville et M. Auguste Desmont, voient avec stupéfaction et effroi, dans un
jet de flammes, des débris métalliques et des membres humains projetés à
plusieurs dizaines de mètres en l’air. L’obus a touché la soute à munitions.
L’aéroport anglais B12 |
Le B12 à Ellon |
Située sur la commune d’Ellon en bordure de la D6 à
gauche vers Bayeux, face à l’actuelle Coopérative de Creully, cette base
aérienne est opérationnelle du 16 juin 1944 jusqu’en septembre 1944. Ses
chasseurs « Mustang » utilisent journellement l’espace aérien de Condé à très
basse altitude pour la plus grande joie des gamins déjà émerveillés par
l’arrivée de la multitude des véhicules inconnus surgis de partout : Jeeps, Dodges,
GMC, canons...
Il faut préciser qu’en 1944, il n’y a dans la commune que
deux automobiles : la Peugeot 402 de M. Rousseaux et la Ford « A » de M.
Fierville.
Réseau routier
A
mesure que les troupes alliées progressent, le débarquement des véhicules prend
de l’ampleur, et pour pallier l’insuffisance du réseau routier, le génie
militaire anglais, Royal Engineers, aménage des routes sommaires, mais plus
adaptées, notamment le « by-pass » à Bayeux. A Condé, une piste à proximité de la D6 et parallèle à celle-ci est réservée aux véhicules à
pneus.
Une
tuyauterie métallique - pipeline - posée à proximité, est destinée à
l’approvisionnement en essence depuis les ports de débarquement jusqu’à la
ligne de front.
Une
autre piste est située au niveau « 4 chemins » près de la propriété de M. Mme
Leriche, suivant le même parcours, mais réservée aux chars et Half-track. Des
centaines de tonnes de matériel ont emprunté ces voies.
15 juin 1944
Dans
la nuit, un bombardier anglais bi-moteur Marauder B26, chargé de bombes, fait
un atterrissage d’urgence sur un versant de la rivière La Seulles à Chouain. Il
fait partie d’une escadrille ayant pour mission la destruction des villes de
l’intérieur (la date pourrait correspondre au bombardement d’Evrecy). L’avion a
touché le sol en glissant sur plusieurs centaines de mètres sans dommages
apparents, les munitions n’ont pas explosé et l’épave, presque intacte, est
visible de Condé.
Fin
juin, les artificiers anglais font exploser l’appareil. Quelques débris sont
récupérés par des particuliers.
16 juillet 1944
Dans
la nuit du 16 au 17, tandis que les habitants ont abandonné leurs abris
souterrains, pensant avoir retrouvé une certaine sécurité, des explosions
semblant provenir d’une vallée en raison d’un écho particulier, sont entendues.
Elles sont bientôt suivies de l’arrivée des obus.
Pendant
plusieurs heures, espacés de quelques minutes, les projectiles tombent sur
Condé et les environs proches. Un obus tombe sur la sacristie. Hameau La Londe,
près du Calvaire, deux soldats sont tués près de leur véhicule. D’autres
projectiles atteignent les cuisines de l’aérodrome B12 à Ellon, et les
installations sont provisoirement
transférées à la ferme Platz (actuellement M. Mme Jeanne).
Cette
nuit-là, les artilleurs allemands mènent ainsi un combat d’arrière-garde, et
l’on peut penser qu’une de leur mission est la destruction des batteries
d’artillerie anglaises situées à plusieurs endroits de Condé.
Quatre
canons sont en bordure du chemin du Rocher, quatre au lieu-dit La Fosse Baril
aux confins de Chouain et Condé, quatre au hameau Le Quesnot.
Ce
régiment, équipé d’obusiers « Médium 3 », calibres 5.5 Inchs, environ 140 mm,
qui peuvent atteindre des objectifs à 15 kms, stationne à Condé du 12 juin
jusqu’en juillet, comme en atteste l’historique du Régiment qui nous a été
remis par un Colonel Vétéran.
Depuis
quelques années, on peut voir un spécimen de ces canons à l’entrée du Musée
Mémorial à Arromanches.
Ce
régiment succède à une autre unité équipée de canons 105 mm « Howitzer » d’une
portée de 11 kms.
Juin 1943 Le Chasseur allemand
En
fin d’après-midi, un Chasseur allemand, vraisemblablement « Messerschmit »
touché au cours de combat avec des avions anglais venus attaquer un train,
passe à faible altitude au niveau des Pointes dégageant une épaisse fumée noire
et s’écrase vers Audrieu. Le pilote peut s’éjecter et est sauf.