L’inventaire de la Fabrique paroissiale de 1905


Les fabriques des églises étaient chargées d’administrer les paroisses de 1801 à 1905. Elles étaient gérées par un conseil de 5 ou 9 membres et un bureau. Le curé ou desservant et le maire sont membres de droit de ce conseil. Les autres membres ont été nommés par l’évêque lors de la création des fabriques.  La loi de 1905 transfère leurs biens aux associations cultuelles, qui doivent se constituer, pour assurer l'exercice du culte, conformément à la loi du 1er juillet 1901. C’est pourquoi les agents de l'administration des Domaines reçoivent pour mission d’inventorier les biens mobiliers et immobiliers de ces établissements. Les biens deviennent propriété de la commune. Cette disposition prévue par la loi de 1905 est confirmée par la loi du 2 janvier 1907.

Les inventaires ont été dressés en 1906, pour chaque fabrique. En général il existe une fabrique par commune sauf dans les villes qui contiennent plusieurs paroisses distinctes. Dans les inventaires les biens appartenant en propre aux fabriques sont recensés sur les pages de gauche et ceux de l’État, des départements et communes, mis à leur disposition, sur les pages de droite. Des lettres de revendication ou de protestation de paroissiens ont été insérées au milieu des
inventaires.


 

Des lettres de revendication ou de protestation de paroissiens ont été insérées au milieu des inventaires.

Desservant d’une protestation ci-annexée dont nous n’avons pas tenu compte.


Nous avons également annexé au présent inventaire la revendication de plusieurs donateurs dont copie ci-après :

A l’occasion de l’inventaire des églises imposé par la loi du 9 décembre 1905, nous consignés, paroissiens de Condé sur Seulles, faisons toutes réserves de nos droits sur les biens et objets offerts par nous à cette église, et mentionnés ci-dessous, ajoutant que nous sommes prêts à les revendiquer si besoin est.

Burettes en argent offertes pour la 1ère communion de Condé sur Seulles le 8 juin 1902

2 vases en porcelaine doré et une corbeille

2 nappes en tulle brodé

2 fleurs données en 1896

2 nappes de maître-autel avec bords

4 nappes de petits autels avec bords

3 nappes d’autel complètes

2 dalmatiques

1 statue de Saint-Joseph

1 lustre autel St-Joseph

2 candélabres autel St-Joseph

Fleurs dorées autel St-Joseph

4 pots à fleurs verts

1 nappe de communion

1 lustre cristal sanctuaire

2 housses doubles dans la chapelle St-Joseph

2 vases à fleurs

2 candélabres

1 lampe de la Sainte-Vierge

1 lustre devant sous le Christ, statue de la Vierge.

 Signé : B.  Enoult, A. Chanlot, L. Leroux, de Saint-Thomas, Lavarde, A Lepourny, Cussy. Ve Legrix


Protestation – Condé sur Seulles – 6 mars 1906 - Inventaire


Monsieur,

Nous aurons pour vous le respect de la personne, mais contre le premier acte d’une loi contraire à la justice et au droit divin que vous venez exécuter, nous protestons de toute notre énergie nous, paroissiens, Conseil de Fabrique et desservant provisoire de cette église de Condé sur Seulles dont nous avons la garde. Nous protestons et faisons réserve expresse de tous nos droits sur ces biens que vous allez inventorier. Nous protestons parce qu’ils sont nos biens, les biens de nos morts aujourd’hui, gardiens muets de cette église, mais qui un jour, au jour du jugement suprême, sauront bien se lever pour protester à leur tour. Nous protestons enfin avec tous ces nobles et vrais français qui se lèvent de partout pour défendre leur Foi. Cela nous le faisons en union avec notre cher et regretté Evêque, avec le Pontife suprême qui a solennellement condamné cette loi.

Vous passerez, Monsieur, par-dessus nos protestations. Aujourd’hui nous vous laisserons passer, nous disant qu’il y a à cette heure, plus d’honneur à garder notre dignité qu’à rechercher un facile triomphe.

Mais nous avertissons qu’au jour où l’on tenterait de violer effectivement notre église, ce serait sur nos corps que l’on passerait.

Un dernier mot.

Dans ce temple vous rencontrerez un catafalque. Sous les trois draps mortuaires qui le recouvrent vous trouverez ensevelies la Liberté violée de nos consciences, l’Egalité morte de nos droits, la Fraternité qui se suicide en France.

Réponse au Séquestre

 Monsieur,

En réponse à l’invitation, en date du 15 courant, que vous avez faite aux anciens représentants légaux de la Fabrique de Condé sur Seulles, d’aller vous porter les espèces, valeurs, etc., dont ils seraient dépositaires, chacun selon leur qualité, nous soussignés, vous rappelons qu’aucune jurisprudence ne nous oblige à opérer ce déplacement.

Il y en eût-il une que la raison, notre conscience, notre dignité et aussi notre soumission absolue aux ordres du Pape, gardien suprême de nos biens d’église, nous ferait passer outre.

Nous laisserons donc prendre sur place (et sans violence selon le désir du St-Père) ce qui nous appartient, mais nous ne le donnerons pas.

Condé sur Seulles.

Ce dimanche de Ste Victoire. 23 décembre 1906.