La Feldgendarmerie allemande ne trouvera pas le fusil..

Le fusil de M. Philippe



Monsieur Jean Philippe, un habitant de Condé qui nous a quitté en 2009 s'est rappelé un fait de guerre qui s'est déroulé dans sa commune.
 

Mr Jean Philippe

Le 10 mars 1943, jour des cendres, congé scolaire de « mardi gras » à 9h du matin, la Feldgendarmerie allemande perquisitionne l'atelier de mon père, monsieur Maurice Philippe, bourrelier et cultivateur, alors absent de la ferme vendant ses produits au marché de Villers Bocage.

Les Allemands sont à la recherche d'une courroie en cuir qui disparaît régulièrement d'un moulin situé sur la Seulles destinée à alimenter la dynamo qui fournit l'électricité à la clinique vétérinaire allemande installé au château de Ducy Sainte Marguerite. Les Allemands ont d'ailleurs, sans succès, perquisitionné auparavant l'atelier d'un collègue de mon père à Chouain. Cette première fouille ne donne rien, ils décident alors, agacés, de visiter toutes les pièces de la ferme, étable, écurie et greniers et découvrent, dans ces derniers, une boite à gâteaux en fer contenant des cartouches de chasse, de la poudre, des plombs et des balles de carabine 6mm.

La ferme dans le bourg de Condé du père de Mr Philippe

Ils s’inquiètent alors de trouver une ou plusieurs armes. Mon père ayant déposé son fusil à la mairie en 1940, ils ne risquaient de le trouver, j’ai cependant précieusement caché, sous le foin, dans le même grenier, un fusil, cadeau de mon parrain qu’ils ne parviennent pas à trouver.

Après interrogatoire, je précise sans torture, saufs crachats sur le visage et injures, et en l’absence de mon père, la Feldgendarmerie m’emmène au château de Ducy Sainte Marguerite, afin d’obliger mon père à venir me chercher. Je suis en possession de tract ramassés dans la campagne et que je distribuais aux copains de l’école Létot de Bayeux.

Ils ne me fouillent pas et je vois les conséquences qu’aurait eu la découverte de ces tracts que je garde dans ma poche tout au long de ma détention.

Mon père arrive le 10 mars 1943 vers 15 heures au château de Ducy ; je ne suis libéré qu’à 1 heure le lendemain matin. Après interrogatoire de mon père, celui-ci est conduit en prison et passe au bout de quelques jours devant une cour martiale où il est condamné qu’à 6 mois de prison grâce à l’intervention de ma mère qui acheta l’avocat collaborateur avec une dinde de la basse-cour. Après Caen, mon père passa par les prisons de Lisieux et de la Santé à Paris pour finir sa peine au Fort de Clervaux, près de Dijon.

Je me souviens qu’à Caen, mon père était en compagnie de monsieur Busquet de Bayeux et de monsieur Delaye du Molay-Littry. Je conserve précieusement aujourd’hui ce fameux fusil que ma sœur, alors âgée de 14 ans à cette époque, avait porté et caché dans la campagne après mon arrestation.